jeudi 13 janvier 2011

Ribbons of dreams

Au cours de mes années fac, je n'ai pas connu une seule soirée (étudiante ou non) où l'on n'ait pas joué, à un moment ou à un autre, le "Misirlou" de Dick Dale, ce morceau surf-rock instrumental popularisé par Tarantino qui l'avait choisi pour l'ouverture de Pulp Fiction (on peut le comprendre, il faut bien reconnaître que le morceau est imparable). Du coup, j'étais frustré, moi que l'on empêchait de choisir la musique sous le prétexte infondé que j'avais des goûts bizarres. Aussi, bougon, plutôt que de me ridiculiser à gigoter sur la piste de danse, je préférais finir la soirée derrière, tapant la causette au DJ : j'en profitais au passage pour  reluquer ce qu'il jouait comme disques. Maintenant que j'y repense, j'ai l'impression d'avoir toujours fait ça...
Ce qui, des années après, m'a logiquement amené à la réflexion suivante : si j'étais un réalisateur de films, comment m'y prendrais-je pour choisir la musique qui décorera mon nouvel opus (et faire un carton) ? Il me faudrait forcément opter pour l'une des deux formules :  d'une part, celle qui consiste à confier à un étranger (à l'œuvre) la mise en musique ; en second lieu, déterminer moi-même les ambiances qui coïncideraient le mieux avec ce que l'on voit à l'écran. (Je préfère écarter toute solution hybride, c'est déjà suffisamment cornélien ainsi.) Dans un cas comme dans l'autre, cela peut donner des résultats assez ébouriffants : par exemple, l'on a parfois vu naître de véritables couples (Fellini/Rota, Polanski/Komeda, Burton/Elfman, Leone/Morricone, Kurosawa/Sato, Spielberg/Williams, Herzog/Fricke, Truffaut/Delerue... et même Besson/Serra !) au sein desquels une alchimie évidente, palpable, existait. Secundo, les mixtapes concoctées par le réalisateur même peuvent s'avérer toutes aussi efficaces.
Pour ma part, je suis persuadé qu'en tout cinéphile il y a un mélomane (et vice et versa). Viscéralement, l'un ne peut pas aller sans l'autre. Ce qui a tout de même donné nombre de réussites dans le domaine depuis l'invention des frères Lumière. Or, comme je suis loin d'être aussi âgé, je ne saurais vous parler que de ce que je connais. Et pour le prouver, autant présenter quelques modèles du genre (c'est-à-dire, en même temps, un super film ET une super BO) qui m'ont largement marqué :
 - Peter Gabriel "Birdy" (1984) :
Peter Gabriel fut parmi les premiers à combiner instruments électroniques (le synthétiseur) et traditionnels (les percussions africaines) au sein de chansons pop. Le résultat est absolument détonant. Et puis, Alan Parker, c'est tout de même le type qui avait déjà adapté "The Wall" au cinéma, alors...
 - Serge Gainsbourg "Anna" (1967) :
"Roller girl", "Sous le soleil exactement", "Je n'avais qu'un seul mot à lui dire"... Un méga-clip vidéo dédié à la beauté de Karina (qui chante et danse, donc), ici magnifiée par le grand Serge : de quoi tomber amoureux fou, exactement.
 - Curtis Mayfield "Superfly" (1972) :
Black power ! Personnellement, et malgré l'Oscar pour Isaac Hayes, je le trouve nettement plus abouti que "Shaft" et nombre de ses succédanés (comparez ici). Définitivement, une réussite du genre par l'une des voix soul les plus vibrantes qui soient.
 - Ennio Morricone "Il était une fois la révolution" (1971) :
On peut pas imaginer un film de Sergio Leone sans la musique de Morricone. (De la même manière, il me paraît difficile de concevoir une musique d'Ennio Morricone sans la voix d'Edda dell'Orso.) Que ce soit "Le bon, la brute et le truand" ou "Il était une fois la révolution", chaque film du tandem mériterait une place au panthéon cinématographique.
- Osanna "Milano calibro 9" (1972) :
Un film et une BO qui auront marqué beaucoup de (beau) monde, c'est le moins que l'on puisse dire : Tarantino cite ce giallo comme un chef-d'œuvre absolu et DJ Shadow sample l'intro d'un morceau pour son album "Endtroducing".
 - Popol Vuh "Aguirre" (1972) :
Il y a dans "Aguirre, la colère de Dieu" cette séquence d'ouverture magnifique, inoubliable : du haut d'une montagne, à moitié cachée par les nuages, nous voyons descendre, minuscules, des dizaines d'hommes, tous droit sortis d'un temps reculé, comme suspendu... Tels un Dieu observant les humains, nous croyons même entendre chanter les anges... (Je dois confesser ici écouter religieusement cette BO chaque soir - ou peu s'en faut - avant de m'endormir.) Par la suite, Werner Herzog fera de nouveau appel à son groupe fétiche, Popol Vuh, pour ses autres chefs-d'œuvres que sont "Fitzcarraldo", "Nosferatu, fantôme de la nuit", "Cœur de verre"...
 - Various "Pulp Fiction" (1994) :
J'ai lu quelque part que Tarantino, avant même d'écrire une seule ligne de scénario, recherchait d'abord les chansons dont il allait s'inspirer pour définir le ton de chaque scène, ou ses personnages. "Pulp Fiction" est, à mon goût, le seul résultat réellement réussi d'un bout à l'autre de ce processus créatif. Petite piqûre de rappel :
1.  Pumpkin And Honey Bunny (dialogue)/MISIRLOU (02:27)
MISIRLOU performed by Dick Dale & His Del-Tones
2.  Royale With Cheese (dialogue) (01:42)
3.  JUNGLE BOOGIE (03:05)
Performed by Kool & The Gang
4.  LET'S STAY TOGETHER (03:15)
Performed by Al Green
5.  BUSTIN' SURFBOARDS (02:26)
Performed by the Tornadoes
6.  LONESOME TOWN (02:13)
Performed by Ricky Nelson
7.  SON OF A PREACHER MAN (02:25)
Performed by Dusty Springfield
8.  Zed's Dead, Baby (dialogue)/BULLWINKLE PART II (02:39)
BULLWINKLE PART II performed by The Centurians
9.  Jack Rabbit Slims Twist Contest (dialogue)/YOU NEVER CAN TELL (03:12)
YOU NEVER CAN TELL performed by Chuck Berry
10.  GIRL, YOU'LL BE A WOMAN SOON (03:09)
Performed by Urge Overkill
11.  IF LOVE IS A RED DRESS (HANG ME IN RAGS) (04:55)
Performed by Maria McKee
12.  Bring Out The Gimp (dialogue)/COMANCHE (02:10)
COMANCHE performed by The Revels
13.  FLOWERS ON THE WALL (02:23)
Performed by The Statler Brothers
14.  Personality Goes A Long Way (dialogue) (01:00)
15.  SURF RIDER (03:18)
Performed by The Lively Ones
16.  Ezekiel 25:17 (dialogue) (00:51)
 - The RZA "Ghost dog : the way of the samuraï" (1999) :
Jarmusch a toujours été particulièrement attentif quant au choix de ses compositeurs : quand il ne pioche pas dans sa propre discothèque ("Coffee & cigarettes", "Broken flowers"), il fait appel à des pointures telles que Neil Young (se rappeler "Dead man") ou The RZA. Et ça marche.
 - Lalo Schifrin "Bullitt" (1968) :
Parce qu'il y a Steve McQueen qui poursuit les méchants au volant d'une voiture hyper-classe dans les rues de San Francisco. Et aussi parce qu'il y a la musique de Lalo Schifrin (mister "Mission : impossible" himself).
 - Various "Trainspotting" (1996) :
Un excellent (et explosif) condensé de la scène britannique des années 90 : Primal Scream, Underworld, Blur... Une grosse claque qui décoiffe, quand on découvre le film pour la première fois.
T H E   E N D

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