samedi 19 février 2011

Quand j'étais petit garçon...

... Je repassais mes leçons en chantant (air bien connu). Où il ne sera pas question ici de psychanalyse, mais bel et bien de musique. Quoique... Cela dit, puisqu'il faut forcément commencer quelque part, autant remonter jusqu'à la source : la sacrosainte discothèque parentale. (Demandez aux plus fameux DJs - interviews ici : même eux ont commencé petit.) Précisément, des décennies plus tard, parvenus à l'âge de nos parents, que nous reste-t-il de ces chansons entendues au cours de notre enfance insouciante, filtrées par nos esgourdes alors imparfaitement éduquées, de ces rengaines qui nous ont bercé des années durant et que l'on se surprend à fredonner aujourd'hui, presque malgré soi ?
Commençons. Il paraît que, pour la génération de mes parents, la question se posait de savoir si l'on était plutôt "Beatles" ou plutôt "Stones". (Par chance, j'avais présent à la maison un représentant de chaque tendance, mais pas forcément pour les mêmes raisons.) Un tel débat serait ici hors sujet mais, honneur aux dames, force m'est de constater que je revois parfaitement le double album rouge des Beatles trôner en évidence au début de la pile des disques de ma maman à moi.
Et si je n'ai pas réussi à retenir en entier une seule chanson de cette compilation, c'est sûrement parce que les Beatles, c'était quand même les Beatles : une sacrée usine à tubes ("Michelle", "Help", "Love me do", "Yesterday"...). Du coup, ça en faisait un peu beaucoup pour le gamin que j'étais. Mais passons. Par chance, les Beatles n'étaient pas le seul groupe anglais ayant enregistré des disques à cette époque (cette anglophilie étant renforcée par le fait qu'on n'était pas particulièrement branchés par les yé-yé, à la maison) : de mémoire, je pourrais citer les Bee Gees ("Massachussets"), les Rolling Stones évidemment ("Miss you", "Street fighting man"...)... ; et encore, côté outre-Atlantique, Simon & Garfunkel ("Mrs Robinson"), les Byrds ("Mr Tambourine man")...  Sans parler des chanteurs en solo : ainsi, certains songwriters tels Donovan ou David mcWilliams.
Qui se souvient encore de son mélancolique "Days of pearly spencer" ? Mais, au final, peu d'albums me marquèrent réellement : si mon père gardait pour lui un  33t d'Heldon, de "Carmina Burana" ou encore d'Ash Ra Tempel, c'est à ma mère que je dois  d'avoir écouté en boucle les ritournelles de Brassens (cf. "Le petit cheval blanc"). En revanche, davantage de 45t me reviennent parfois en mémoire : un James Brown qui traîne ("Get on the good foot") à côté des Buggles ("Video killed the radio star", forcément) ; Gerry Rafferty (son tubesque "Baker street") côtoyant François de Roubaix ("Astralement votre", avec Elisabeth Tessier dans le rôle de la chanteuse) et Supertramp ("The logical song")... Ma préférence pour ce format doit d'ailleurs sûrement dater de cette époque : plus pratique, (plus ou moins) le meilleur titre de l'album, stylisme plus varié...
J'adorais ça : les avoir en main, les retourner dans tous les sens. Je trouvais ça vachement chouette. Ce fut en quelque sorte mon premier gadget. J'ouvre une parenthèse : on se souvient que, à cette époque, presque toutes les émissions de radio et de télé (Carré Bleu, Le grand échiquier, Les dossiers de l'écran...) allaient largement piocher leurs indicatifs dans ces disques : variété, jazz, rock... On pouvait alors facilement reconnaître ces fameux génériques dès leur pochette estampillée par le nom de l'émission en question et de sa radio. Et même qu'en ce temps-là, on avait pas trop mauvais goût. Voir le morceau "Rubycon" de  Tangerine Dream qui suit (l'extrait débute à 6 min 55 secondes environ), et qui avait tendance à m'effrayer, plus jeune.  Petit jeu : saurez-vous retrouver le nom de l'émission en question ?
Enfin précisons que, étant né la décennie qui a suivi le swinging sixties, je n'ai point eu la chance de connaître le psychédélisme en direct, pas même le rock progressif : je suis arrivé avec le Disco. Bon. Ce n'était pas trop le genre de la maison mais, quand même, lorsque j'ai appris la mort récente de Bobby Farrell, j'ai ressenti un petit truc, un "je-ne-sais-quoi". Allez comprendre. Et surtout, il y a cet air qui m'est revenu comme si c'était hier...
On pensait ces choses-là oubliées, enterrées, sorties de notre vie (ou de notre existence, selon qu'on se définisse d'obédience existentialiste ou non), mais non : elles ne nous oublient pas, elles. Et nous le rappellent bien. Ainsi, comment pourrais-je retranscrire nettement la sensation indescriptible que m'a procuré, un jour que je passais chez un disquaire du quartier des Halles, à un moment où j'étais affairé, concentré, mon casque vissé sur les oreilles, à écouter des disques de funk et de hip-hop US old-school, le fait d'entendre au même moment se superposer à mes  rythmiques rap, le piano cristallin du "Wuthering heights" de Kate Bush ???
Car c'était bien elle. Interdit, éperdu, fébrile à la limite de la transe, j'en reposai aussitôt mon casque et écoutai jusqu'à la fin cette chanson que le disquaire, fut-il inspiré ou non, s'était mis à passer... Pour un peu, je lui aurais pris le disque des mains. Un air que je n'avais pas entendu une fois en quinze ? vingt ans ? Qui me revenait subitement en tête, note après note, comme si je l'avais toujours su par cœur ? Tout y était parfaitement à sa place : la voix, le pont, le solo de guitare final ad lib... Et le plaisir intact, toujours entier. Qui plus est, un disque qui, dans mon jeune âge, m'effrayait alors par sa seule pochette : je me représentais un pseudo-Christ féminin, au teint cadavérique, sanguinolent, auquel le dragon qui figure dans son dos n'arrangeait en rien le sort. (De cela, je ne parlai à personne. J'avais enfoui en moi, tué - ou pensé avoir tué - ce trauma juvénile. Du moins, jusqu'à ce jour.)
Une prochaine fois, il faudra que je pense à établir mon Top Ten de la pop anglaise de cette période-là, fut-il ou non classé par genre. Qui sait ? Je pourrais peut-être encore avoir des surprises... Séquence : "La marche de l'empereur".

2 commentaires:

  1. Trop drôle mes parents avaient les mêmes à la maison mais ils étaient plus Stones et Supertramp et ont adoré la période disco !

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  2. ça me rappelle bien des choses aussi tout ça ;)

    soeur petite / tipster / piouce et j'en passe ^^

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